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Cadre canadien pour le plafonnement de la pollution par les gaz à effet de serre provenant du secteur pétrolier et gazier

Objet#

  1. Expliquer la nouvelle annonce du gouvernement du Canada sur le système de plafonnement et d’échange de droits d’émission de carbone.
  2. Donner un aperçu des répercussions de l’annonce sur les membres d’Unifor.
  3. Donner un aperçu des répercussions de l’annonce sur les employeurs d’Unifor dans le secteur de l’énergie.

Sommaire#

  1. Le système de plafonnement et d’échange est axé sur la réduction des émissions provenant de la production pétrolière et gazière, et non sur l’utilisation de pétrole et de gaz.
  2. Le système canadien de plafonnement et d’échange n’entrera pas en vigueur avant 2030.
  3. Le plafond est fixé à un niveau réalisable avec les technologies accessibles actuellement. Un niveau qui semble avoir été fixé par l’industrie : de 35 à 38 % sous les niveaux de 2019.
  4. Le système de plafonnement prévoit des assouplissements importants.
  5. Un projet de règlement sera publié en 2024.
  6. Il est peu probable que la réduction de l’intensité énergétique de la production du secteur pétrolier et gazier permette à elle seule de réduire considérablement les émissions de dioxyde de carbone. La réduction de la consommation (demande) est le seul moyen d’atteindre les objectifs de carboneutralité.

Définitions#

Catégories d’émissions#

  • Catégorie 1 : Émissions provenant de la production. Faire fonctionner une fournaise.
  • Catégorie 2 : Émissions provenant de la consommation. Acheter de l’électricité générée au moyen de gaz naturel pour fournir l’énergie nécessaire à la production.
  • Catégorie 3 : Émissions dont l’entreprise est responsable tout au long de sa chaîne d’approvisionnement et qui n’appartiennent pas aux catégories 1 et 2. Le produit final est du diesel brûlé, vendu à une entreprise de camionnage, puis brûlé.

Externalités#

Selon la forme dominante de l’économie (théorie néoclassique), les effets négatifs ou positifs sur la nature ou la société ne sont généralement pas pris en compte dans les coûts de production d’une entreprise.

Les externalités sont les répercussions des activités d’une entreprise qui ne sont pas comptabilisées par cette entreprise.

La pollution, les changements climatiques ou les conséquences sociales négatives découlant des processus de production ou des produits sont des exemples d’externalités, aussi appelées « effets externes ».

Comme mécanisme d’intervention, les gouvernements tentent d’intégrer les coûts des externalités découlant des activités des entreprises par le biais de la réglementation.

Le dioxyde de carbone n’est pas un effet externe, mais les changements climatiques en sont un. La tarification du dioxyde de carbone est le processus qui consiste à attribuer une valeur commerciale au produit qui cause l’externalité, c’est-à-dire les changements climatiques.

Tarification du carbone#

La tarification du carbone est mise en place par les gouvernements pour attribuer un prix au carbone (et aux autres gaz à effet de serre), reconnu comme une externalité.

Le processus qui consiste à attribuer une valeur marchande (prix) à quelque chose qui n’en avait pas est appelé marchandisation.

La tarification du carbone est la marchandisation des gaz à effet de serre dans le but de créer un prix qui représente les effets négatifs de ces gaz.

La tarification du carbone est une tentative visant à corriger l’incapacité de l’économie néoclassique à intégrer correctement (ou même à intégrer tout simplement) les coûts du changement climatique dans les coûts de production d’une entreprise.

La tarification du carbone repose sur la théorie selon laquelle l’économie de marché peut fonctionner efficacement si le prix de certains effets externes est fixé de façon efficiente. L’idée derrière la tarification du carbone est qu’elle entraînera une réduction des émissions de carbone parce que le prix aura augmenté pour les entreprises qui produisent du carbone par rapport à celles qui n’en produisent pas.

En outre, le processus de tarification du carbone est généralement soumis à un marché établi par l’État pour l’échange de carbone, qui est alors considéré comme une marchandise. Ce marché permet de fixer un prix du marché pour le carbone et de mettre en place un processus de paiement efficace.

La tarification du carbone nécessite la mise en place d’un nouveau mécanisme de mesure, de comptabilisation et de tarification.

Taxes sur le carbone#

Les « taxes » sur le carbone sont une redevance réglementaire créée par le gouvernement et que les consommateurs de biens (et services) paient au moment où ils achètent ces biens (et services). L’objectif est d’augmenter le coût des biens (et des services) produits avec des taux d’émissions élevés.

Une taxe sur le carbone est destinée à prendre en compte une partie des coûts du carbone en tant qu’externalité; le niveau de prix indiquera au consommateur les produits fabriqués avec différents taux de pollution par le carbone.

La taxe a pour but d’augmenter les prix de certains produits afin de pousser les consommateurs vers des biens et services produits avec de plus faibles taux d’émissions carboniques (et donc moins chers).

Dans de nombreux cas, la taxe sur le carbone est perçue, puis redistribuée aux consommateurs qui subissent des prix plus élevés pour des biens pour lesquels il n’existe pas de substituts. Une partie de ces recettes est également affectée à la création de produits de substitution à faibles émissions de carbone.

Plafonnement et échange de droits d’émission de carbone#

Axé sur les producteurs, le système fixe un plafond réglementaire sur les émissions de carbone générées lors de la production. Le règlement fixe un plafond pour la quantité totale de carbone que le gouvernement veut autoriser, puis un échéancier précis pour la réduction du carbone total produit.

Une fois le carbone tarifé efficacement, un plafond aidera à fixer le prix d’un certain volume de carbone produit.

Un système de crédits sera ensuite créé pour tenir compte de la quantité de carbone qui pourra être produite en fonction du plafond.

Le crédit de carbone représente une quantité précise de dioxyde de carbone qu’il est permis d’émettre en fonction du plafond. Ces crédits sont attribués dans le cadre d’un processus quasi-marché entre tous les producteurs qui émettent du dioxyde de carbone. Comme le volume de dioxyde de carbone produit est supérieur au plafond, les entreprises qui produisent en utilisant du carbone doivent cotiser à un fonds pour obtenir plus de crédits.

Certains producteurs feront la transition vers une production à plus faibles émissions plus rapidement que d’autres, ce qui créera un excédent de crédits de carbone.

Un marché de crédits de carbone est créé et soutenu par le gouvernement afin que les producteurs qui produisent plus d’émissions de carbone puissent échanger (acheter ou vendre) les crédits de carbone excédentaires.

Cette mesure est censée avoir deux effets:

  1. Créer une mesure incitative tarifée en fonction du marché pour encourager les entreprises à réduire leurs émissions de carbone plus rapidement que leurs concurrents. Les entreprises qui réduiront leurs émissions de carbone pourront par la suite vendre les crédits non utilisés à d’autres entreprises.
  2. Augmenter les coûts pour les entreprises qui n’investissent pas pour réduire leurs émissions de carbone, car elles devront acheter des crédits supplémentaires à un coût réel.

Au bout d’un certain temps, le plafond des émissions totales de carbone est réduit par le gouvernement, afin d’inciter les investisseurs privés à investir leur argent dans la transition vers des processus moins coûteux (à plus faibles émissions de carbone). Cela est possible en réduisant la quantité de pétrole et de gaz brûlés au cours du processus de production ou en investissant dans des technologies qui capturent le dioxyde de carbone avant qu’il ne soit libéré.

Dans le secteur pétrolier et gazier, l’accent est presque entièrement mis sur l’efficacité de la production en matière d’émissions de carbone. Réduire l’intensité des émissions de carbone (énergie) pour produire une unité de pétrole ou de gaz.

Le schéma suivant explique le système de plafonnement et d’échange de droits d’émission de carbone du Québec.

Contexte#

Le Parti libéral du Canada a promis d’instaurer un système fédéral de plafonnement et d’échange pour les industries émettrices de carbone au Canada, officiellement en 2021. Au niveau provincial, le Québec fait déjà partie du système de plafonnement et d’échange de la Californie, désigné sous le nom de « marché du carbone de la Western Climate Initiative (WCI) ». L’Ontario a brièvement participé à ce marché sous le gouvernement libéral, du 1er janvier 2018 au 3 juillet 2018. La Nouvelle-Écosse a quant à elle adhéré au marché en 2018 et participe encore à ce programme aujourd’hui.

Le Canada s’est déjà doté d’une taxe sur le carbone (redevance fédérale sur les combustibles) et d’un système de tarification fondé sur le rendement, qui fonctionne presque comme un système d’échange de droits d’émission de carbone.

Le système de tarification fondé sur le rendement et la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre ont été contestés par certaines provinces, mais les tribunaux les ont confirmés.

La carte du Canada reproduite ci-dessous indique les provinces et les territoires où le système actuel de tarification du carbone du Canada est appliqué.

Annonce du Canada concernant le plafonnement et l’échange#

Certains détails du système canadien de plafonnement et d’échange ont été publiés le jeudi 7 décembre 2023.

  • Le système s’applique au secteur pétrolier et gazier.
  • Le projet de règlement doit être présenté au milieu de l’année 2024.
  • Date d’entrée en vigueur : 2030
  • Le système s’appliquera aux émissions directes de gaz à effet de serre (catégorie 1).
  • Plafond proposé : en 2030, les émissions devraient se situer entre 35 et 38 % sous les niveaux de 2019.
    • Les assouplissements prévus permettent d’émettre des niveaux d’émissions de 20 à 23 % sous les niveaux de 2019.
    • L’objectif initial de réduction des émissions pour 2030 était égal à 42 % sous les niveaux de 2019.
  • Émissions visées : dioxyde de carbone, méthane, oxyde nitreux (et d’autres)
    • Le quota d’émissions équivaudra à une tonne d’émissions d’équivalents de dioxyde de carbone (CO2e).
  • Installations pétrolières et gazières visées :
    • installations pétrolières et gazières en amont
    • installations extracôtières
    • installations de gaz naturel liquéfié
  • La souplesse du système est grande en matière de tarification et d’application, et l’adaptation aux besoins de l’industrie est promise. Raisons invoquées pour réglementer ainsi les émissions du secteur pétrolier et gazier :
  • Le sous-secteur en amont représente 85 % des émissions du secteur.
  • Le secteur pétrolier et gazier a généré 28 % des émissions nationales en 2021.
    • Il était suivi du secteur des transports, qui a généré 22 % des émissions nationales (parce qu’il brûle du pétrole et du gaz).
  • Le Canada s’est engagé sur la scène internationale à atteindre la carboneutralité d’ici 2050.

Cette annonce fait suite à de nombreux commentaires de la part du secteur. Le document de travail publié en 2022 présente deux options : un nouveau système de plafonnement et d’échange ou des modifications au système actuel de tarification du carbone (taxe). Le système de plafonnement et d’échange annoncé obligera les entreprises à réduire leurs émissions de carbone provenant de la production de pétrole et de gaz, à un niveau atteignable avec les technologies actuelles.

Si les technologies de remplacement actuellement disponibles pour les processus de production du secteur sont mises en œuvre, l’effet du plafonnement des émissions de carbone sera négligeable. L’électrification du procédé fait partie des technologies de remplacement.

Un grand nombre des changements qui seront apportés dans le secteur ont déjà été annoncés et sont en cours.

Le gouvernement a fourni le graphique suivant pour illustrer l’effet du plafonnement des émissions de carbone découlant de ce règlement.

Analyse#

Avertissement : de nombreux détails du système de plafonnement et d’échange ne seront pas publiés avant le milieu de l’année 2024.

Comme tous les autres systèmes de tarification du carbone, le succès des systèmes de plafonnement et d’échange pour la réduction des émissions repose sur le prix du carbone.

Jusqu’à présent, le système de tarification du carbone de la Californie, utilisé par le Québec et la Nouvelle-Écosse, fixe le prix du carbone à un niveau bien inférieur aux systèmes européens. Cette situation a donné lieu à des allégations d’écoblanchiment, le prix étant trop bas pour entraîner des changements dans la production ou la consommation.

L’objectif déclaré du règlement sur le système canadien de plafonnement et d’échange de droits d’émission de carbone est de faciliter l’adoption des récentes technologies pétrolières et gazières à haut rendement énergétique plus rapidement que ne le permettrait le marché à lui seul. Il n’y a aucune raison de croire que cet objectif ne sera pas atteint.

En effet, les producteurs de pétrole et de gaz ont eux aussi l’objectif de réduire leurs émissions. La transition vers des sources d’énergie moins coûteuses (qui sont également moins polluantes) est en cours dans le secteur.

Actuellement, le secteur pétrolier canadien est très polluant, car il utilise du pétrole et du gaz pour extraire le pétrole du sol et pour transporter le bitume dans les oléoducs. L’adoption de procédés électriques novateurs réduira considérablement les émissions du secteur.

La réduction des émissions de méthane provenant du transport et du stockage est nécessaire pour lutter contre les changements climatiques. Réglementation et soutien financier sont nécessaires pour moderniser les installations d’extraction et les gazoducs afin de réduire les fuites tout au long de la chaîne d’approvisionnement du gaz. La plupart de ces objectifs pourraient être atteints sans la mise en place d’un système de plafonnement et d’échange. Cependant, puisqu’il est accepté par l’industrie et mis en œuvre au niveau fédéral, ce système de plafonnement et d’échange pourrait assurer cette transition.

La création d’emplois est l’un des avantages de cette transition vers une plus faible intensité énergétique dans le secteur. La transformation et l’augmentation des investissements dans les nouvelles technologies énergétiques et la réparation de l’infrastructure actuelle des gazoducs exigent une main-d’œuvre nombreuse. Ces emplois pourraient aider à compenser l’automatisation, qui est la plus grande menace à court terme pour l’emploi dans le secteur.

La souplesse intégrée au mécanisme de plafonnement et d’échange annoncé fait partie de la réponse du gouvernement aux contestations judiciaires de la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre. La souplesse est l’une des raisons pour lesquelles le gouvernement fédéral a la capacité d’établir la compétence fédérale en matière de tarification du carbone.

En ce qui concerne l’effet sur les émissions, il ne fait aucun doute que la réduction des émissions liées à l'intensité énergétique réduira le taux de croissance des émissions du Canada.

Toutefois, l’accent mis sur la réduction de l’intensité énergétique du Canada n’a pas encore permis de diminuer les émissions globales.

La production de pétrole et de gaz et les transports qui utilisent les produits du secteur pétrolier et gazier sont les secteurs d’activité les plus polluants.

Pour atteindre la carboneutralité en 2050, il faudra réduire considérablement les émissions au cours des 25 prochaines années. Le seul moyen d’atteindre cette réduction est de diminuer à la fois l’intensité énergétique de la production pétrolière et gazière et l’utilisation des combustibles fossiles pour les transports.

La carboneutralité mondiale par rapport aux politiques actuelles (Stated Energy Policy Scenario (STEPS)) décrites par l’Agence internationale de l’énergie.

Le Canada est également considéré comme l’un des premiers pays à devoir réduire ses niveaux de production de pétrole pour que les émissions de carbone mondiales diminuent. Cela s’explique en partie par l’intensité énergétique de ses émissions.

On ne sait pas avec certitude si la réduction de l’intensité énergétique de cette industrie proposée par le système de plafonnement et d’échange suffira à retarder la réduction recommandée de la production pour atteindre la carboneutralité mondiale.

Ressources complémentaires#